Dans le best-seller Homo Deus, Yuval Noah Harari annonce que le XXIè siècle sera le siècle de la recherche du « bonheur ». Le bonheur étant très subjectif, puisque c’est un état de long terme où l’on s’accepte soi-même, ainsi que ses émotions, et pas un état de plénitude constant, il y a souvent erreur sur l’interprétation de ce terme. Pour être plus terre à terre, nous pouvons plutôt dire que l’ère est à la recherche active, voire à la conquête du bien-être, que nous pourrons définir comme se sentir léger, serein.
D’après lui, l’OCDE et l’IMS Health : les pays occidentaux se disputent la première place quant à la consommation d’anxiolytiques, antidépresseurs, qui ont pour objectif de produire des hormones de bonheur (dopamine, ocytocine etc). À titre d’exemple, l’augmentation aux USA de la consommation de ce type de médicaments a été de 65% entre 1999 et 2014 et ne fait qu’augmenter. Les chiffres, parait-il, sont considérablement similaires en Europe et notamment en France où quasiment un quart de la population aurait déjà pris des psychotropes. De même, la multiplication des psys, des coachs, des « motivational speaker » et des livres de développement personnel en tout genre nous montrent bien que la demande de bien-être est croissante.
Dans cette mouvance, le président français Emmanuel Macron a déclaré vouloir faire de Paris la « capitale du bien-être au travail ». On peut dire aisément qu’il inscrit son discours politique dans les tendances actuelles, mais pas que. Car lorsque l’on regarde les études proposées sur le lien entre productivité/efficacité au travail et bien-être, les chiffres confirment ce besoin de ne peut plus penser l’individu comme un robot qui s’impliquerait à 200%, laissant ses pensées annexes de côté pendant la journée. On doit repenser l’individu dans sa globalité, lui offrant un cadre de travail épanouissant et un soutien pour un équilibre harmonieux entre vie professionnelle et personnelle. Il serait intéressant de s’interroger sur le besoin et la capacité de l’État à s’insérer dans la vie intime des entreprises et individus pour promouvoir leur bien-être ; mais nous allons plutôt nous focaliser sur le pourquoi et le comment nous pouvons faire évoluer les mentalités de façon à effectivement mettre la joie au centre de nos motivations.
J’ai fait le constat assez récurrent lors des séances de coaching par exemple, que les individus ne savent pas reconnaître leurs émotions ni leurs besoins. Or les malentendus puis les conflits et enfin le mal-être individuel et collectif sont issus de cette déconnexion à soi et aux autres, par manque d’empathie (capacité à se mettre à la place de l’autre). Que faire alors pour se réapproprier son corps et ses pensées ?
Plusieurs grands thérapeutes ont mis en place des méthodes de compréhension vis à vis de soi et des autres, comme Marshall Rosenberg avec la communication non-violente :
- Observation (de la posture de l’autre, est il ouvert ? fermé ? a t il l’air joyeux ? triste ? en colère ?)
- Ecoute bienveillante c’est à dire sans jugement / ou parole bienveillante en s’exprimant à la première personne « je » n’impliquant que ses ressentis, qui nous appartiennent mais ne suppose pas une intention dans le comportement de l’autre
- Accueil de la parole prononcée ou de la réaction de l’autre
- Réponse sur le même mode.
De même dans le cadre de l’entreprise, la manière dont on fait des feedbacks devrait être construit comme suit :
- prise de rendez-vous avec sujet déjà évoqué, pour que chacun ait le même niveau d’information
- commencer par les commentaires positifs avec encouragements (c’est toujours plus facile pour faire passer la pilule) de la manière : fait, impact croissant, au niveau de moi l’interlocuteur, puis l’équipe, le secteur, la boite etc… pour que la personne puisse visualiser l’impact de ses actions.
- De même pour les commentaires négatifs
- Demander à l’interlocuteur de s’impliquer : comment peut on faire la prochaine fois ?
- Proposer une alternative puis un plan d’action.
Si seulement nous apprenions dès l’enfance à nous écouter profondément : c’est bon / pas bon pour moi, et à nous exprimer dans le calme et de manière empathique (qui peut être ferme, certes, mais jamais insultante), les relations seraient fluidifier et le bien-être en entreprise serait supérieur !
Alors pour devenir la capitale du bien-être au travail, peut-être serait il judicieux de former les individus à communiquer au travail, mais commencer cet apprentissage à l’école qui valoriserait nos ressentis et plus seulement nos compétences académiques. Pousser les individus à la reconnexion avec ses émotions (qui ont toujours raison car, si on ne peut « gérer » ses émotions, on peut « gérer » ses réactions) et leur expression et ainsi donc développer l’écoute profonde de l’autre, au delà des mots/ maux. Tout ceci fait partie de ce qu’on appelle, développer son intelligence émotionnelle : la compréhension du lien entre soi et les autres, les compétences douces consistant plus seulement en l’efficacité individuelle mais pousser à la coopération des individus et au développement de leur motivation, de chacun et en tant que groupe.
C’est suite aux constats que selon moi, le bien-être et l’équilibre entre notre vie personnelle et professionnelle, encore plus forte dans le milieu des startups (sujet à suivre, car trop long pour développer ici) commence toujours par le recentrage : qu’est-ce qui est bon pour moi ? Et l’exprimer, pour ne pas se laisser dépasser. Que j’ai mis en place des méthodes de reconnexion au corps, par la danse et le théâtre pour remettre la joie, le bien-être, au centre des décisions et motivations, dans l’écoute de l’autre. Je me sens mal dans cette situation ? Ce n’est pas bon pour moi ? Quel besoin en moi n’est pas rempli ? Je vais l’expliquer à mon manager, collègue, ami, conjoint pour créer une discussion constructive. Ainsi, de fil en aiguilles en développant cette confiance en moi et en les autres, cette mentalité pourrait se généraliser dans les entreprises, afin que chacun puisse devenir plus heureux et plus efficace.
Pour aller plus loin :
- Catherine Remoussenard et David Ansiau, « Bien-être émotionnel au travail et changement organisationnel », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé [En ligne], 15-1 | 2013, mis en ligne le 01 mai 2013, consulté le 29 décembre 2017
- Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs, Marshall Rosenberg
- « Une idée folle : un documentaire résolument optimiste sur l’école », Le Monde, 08/09/2017
- Intelligence émotionnelle, Daniel Goleman
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Crédits photos : Picjumbo