Alumni D2 2013, Donatien Censier-Marty a poursuivi ses études à l’université Panthéon-Sorbonne – Paris 1. Il compare les apports de la CPGE et de la faculté et présente son métier.

QUI ES-TU ?

Que fais-tu aujourd’hui ? 

Je suis consultant auprès des IRP (Instances Représentatives du Personnel). Je suis plus particulièrement spécialisé dans l’étude des politiques de ressources humaines mises en place par les entreprises. Mon métier consiste à analyser les données sociales d’une entreprise dans le but de produire un rapport à destination des élus du personnel de cette entreprise. Les représentants du personnel devront ensuite se saisir de ce rapport afin de pouvoir critiquer, discuter des politiques mises en place par leur employeur, mais également proposer des alternatives ou négocier des compensations.

Nous sommes un rouage à la fois indirect et essentiel de la négociation collective en entreprise et du dialogue social à la française, qui, quoique très souvent décrié, existe et peut aboutir à de belles solutions lorsqu’il est bien mené.

C’est un métier totalement méconnu, difficile à expliquer à son entourage (je ne suis toujours pas sûr que ma mère sache exactement ce que je fais par exemple), franco-français et comportant peu de représentants (il doit y avoir à peu près 2 000 consultants de ce type en France).

Quel a été ton parcours pour arriver jusque là ? 

Les deux années de prépa ayant été très rudes, bien plus que ce que je pensais, et après trois années déjà intensives au Lycée, j’étais un peu « carbonisé ». Je n’ai pas eu le concours de l’ENS, et ne souhaitant pas poursuivre dans une filière où l’économie était trop abstraite, formalisée, j’ai décidé de poursuivre en Licence 3 d’Economie « vanilla » de Paris 1. J’ai pu effectuer un stage d’été en fin de L3 dans un journal économique et financier (l’Agefi) en tant que journaliste-rédacteur web stagiaire. C’était ma toute première expérience professionnelle et je souhaitais mettre en pratique mes acquis en économie sans forcément vouloir devenir journaliste économique par la suite. Cette expérience m’a énormément apporté, tant d’un point de vue personnel que professionnel. Je ne peux que vous encourager, si vous n’avez pas eu le temps avant la prépa, d’effectuer une immersion professionnelle d’1 à 2 mois au minimum après la période prépa même si cela n’est pas prévu tout de suite dans votre cursus.

J’ai ensuite poursuivi dans des Masters d’économie de Paris 1 : en Master 1 d’Economie Appliquée puis en Master 2 de Chargé d’Etudes Economiques et Sociales. Mes deux années de Masters ont été les plus riches tant d’un point de vue personnel qu’universitaire, j’ai adoré suivre ces formations que j’ai trouvé super intéressantes. J’y ai également retrouvé une configuration plus proche du lycée/prépa avec 60 étudiants en M1 et 30 étudiants en M2, il y avait un vrai esprit de promo et une très bonne ambiance. Je garde en tout cas un très bon souvenir de la Fac, et plus particulièrement de mes deux dernières années d’études. Mon expérience aura été bien éloignée des premiers a priori que j’avais eu sur la Fac : les formations sont de très bonne qualité et l’insertion professionnelle n’est pas si difficile après un cursus universitaire, surtout après un cursus « éco/droit/gestion ». Mieux, les parcours universitaires présentent des avantages indéniables par rapport aux Ecoles de Commerce : la Fac permet de créer son propre parcours d’études sur-mesure avec beaucoup d’options possibles, des doubles-diplômes, des spécialités rares, etc… Les Ecoles auront tendance à mettre en avant leur prestige, fondé sur des parcours académiques classiques de haut niveau, et leurs réseaux tandis que les Fac peuvent mettre en avant le foisonnement de leurs parcours d’études/de spécialités, la technicité et l’adaptabilité de leurs étudiants.

Pourquoi avoir choisi cette activité ?

Alors dans un premier temps, c’est une prof de Master 1 qui a évoqué pour la première fois, lors d’un cours, l’existence « d’experts dédiés aux représentants du personnel ». Sur une promo de 60 étudiants, nous n’étions que 3 ou 4 à nous être intéressés à cette profession à la suite de ses propos. Une camarade de classe et amie de Master 1 est ensuite allée faire un stage d’été de deux mois dans un de ces cabinets de conseil et d’expertise auprès des IRP. On s’est retrouvé dans le même Master 2 l’année suivante et elle m’a alors reparlé de manière très positive de son stage professionnel dans ce secteur d’activité. À cela s’est ajouté quelques semaines plus tard, une nouvelle mention de l’existence de cette profession par une prof de notre M2 lors d’un moment dédié aux débouchés de notre formation.

Cela commençait à faire beaucoup de coïncidence, les signaux faibles s’accumulaient et cela ressemblait presque à un appel !

Mon choix était donc tout trouvé pour mon stage de fin d’études, mais il m’aura quand-même fallu attendre la dernière année de mon cursus scolaire pour avoir finalement une idée de ce j’avais envie de faire ! Mais cette attente en valait la chandelle : mon stage de M2 s’est très bien passé et j’étais dorénavant sûr de ce que je voulais faire comme métier.

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce que tu fais aujourd’hui ? 

Ce qui me plaît le plus dans mon métier, c’est une conjonction de choses que je recherchais : c’est un métier à la fois stimulant intellectuellement, utile aux autres et à la société, polyvalent dans les tâches qui le composent, riche dans les situations et problématiques à traiter. De ce fait, je pense être relativement proche de mon « Ikigai » d’une certaine manière.

Lire aussi : « Ne cherchez plus si loin le métier de vos rêves »

À cela s’ajoute le fait que j’exerce dans une petite structure (un cabinet d’expertise comptable de moins de 10 personnes actuellement) où l’ambiance est très bonne pour l’instant. Les petites structures permettent également d’avoir des postes « plus larges » avec davantage de responsabilité confiée, ce qui n’est vraiment pas mal pour un début de carrière en fait. À ce sujet je vous conseille l’excellente intervention de Jack Ma concernant l’apport des différentes tailles d’entreprise selon l’âge des salariés !

De quoi es-tu le plus fier ? 

Je suis à la fois très fier de mon parcours scolaire/universitaire, d’avoir pu faire et terminer de bonnes études et d’avoir pu trouver rapidement un travail qui me plaît. Ce travail me permet aujourd’hui de vivre correctement et de manière indépendante, je pense avoir trouvé ma voie, les objectifs sont donc atteints.

LA PRÉPA ENS D2

Pourquoi avais-tu choisi la prépa ENS D2 ?

J’ai commencé par un Bac ES (spé maths) au Lycée Henri IV à Paris. Je pensais tout d’abord être fait pour un Bac et une filière scientifique mais le niveau demandé en mathématiques était trop élevé pour moi, je me suis alors intéressé à l’économie et ce fut un véritable coup de cœur ! À la moitié de ma Terminale, alors qu’il fallait commencer à remplir sérieusement ses vœux APB (NDLR ex-Parcoursup), je ne savais toujours pas exactement ce que je voulais faire : une prépa ECE était la suite logique de mon parcours mais je n’étais clairement pas intéressé par les Ecoles de Commerce et ce qu’elles proposaient. Je pensais m’orienter vers l’Université et ses filières sélectives mais je ne connaissais pas le monde universitaire et j’en avais des échos plutôt négatifs, la Fac étant très critiquée en France de manière générale.

C’est alors que ma prof de SES de l’époque, lors d’une demi-heure de cours consacrée aux parcours possibles, a rapidement évoquée l’existence de « prépa ENS ». Je n’en avais jamais entendu parlé et je me suis renseigné sur le sujet. La formule de cette prépa originale, orientée totalement vers l’économie, m’attira très franchement. Je suis alors arrivé en CPGE ENS D2 au Lycée Turgot, avec pour objectif premier de réussir le concours de l’ENS (pas très original) pour devenir par la suite haut-fonctionnaire, l’enseignement-recherche ou le privé ne m’attirant pas (plus original). Cependant j’avais déjà pensé à un plan B : poursuivre des études d’économie à Paris 1 en cas d’échec au concours.

Le mix prépa-fac, avec l’acquisition du DEUG d’économie (Bac+2) de Paris 1 à la fin de la prépa est un énorme avantage pour une CPGE ! De plus une prépa qui prépare à autre chose que les Ecoles de Commerce classiques tout en mettant l’accent sur l’économie pure et dure, cela m’avait beaucoup plu sur le papier.

Qu’est-ce que la prépa t’a apporté pour la suite de ton parcours ?

Chose relativement surprenante, j’ai eu des apports de la prépa à court et moyen termes en fait, et ce sur des aspects différents.

À court terme, c’est à dire pendant la prépa elle-même, je me suis rendu compte que ma résistance au stress s’améliorait lentement mais progressivement. J’arrivais à prendre davantage de recul, à relativiser plus facilement.

Mais surtout, la prépa m’a donné une capacité de concentration accrue ainsi qu’une culture générale en économie bien supérieure à celle de l’étudiant classique de Fac d’économie.

À moyen terme, soit après la prépa et jusqu’à maintenant, je me suis aperçu que la prépa m’avait permis de gagner en assurance, notamment à l’oral. Les khôlles y ont très largement contribué, notamment celles d’économie avec M. Mayeur, dont le regard, qui pouvait être très noir, équivalait facilement à la pression de tout un public dubitatif voire colérique. Et je n’ai constaté qu’après la prépa que ma capacité de travail avait elle aussi augmenté.

Quel est ton conseil pour les étudiants actuels ? 

Il est difficile de ne donner qu’un conseil, d’autant plus que je n’étais pas à 100% focalisé sur l’ENS, ce qui n’est peut être pas bien de dire face à des étudiants censés préparer ce concours corps et âme.

Ayant échoué au concours, je n’aurai pas de bons conseils à vous donner pour y arriver spécifiquement, cependant après la prépa j’ai réfléchi aux moyens que j’aurai pu mettre en place pour améliorer cette expérience de la prépa.

D’ailleurs, pour commencer, il peut être bon de rappeler que la prépa n’est au final « qu’une expérience » de deux ou trois ans où l’on nous demande un travail de haute intensité sur une période longue. Il faut donc savoir prendre du recul et relativiser pour ne pas craquer sous sa propre pression.

Ensuite, chaque étudiant, à son entrée en prépa, a les moyens intellectuels, compte tenu de son parcours pour arriver jusqu’ici, pour réussir sa prépa. Cependant, je pense qu’un élément déterminant est la vision que l’on se fait de cette épreuve qu’est la prépa. Je l’ai personnellement vu comme une souffrance dont il fallait survivre alors que le meilleur moyen d’y arriver aurait été davantage de voir cela comme un jeu, un défi à surmonter.

Enfin, un des tips les plus simples et les plus efficaces : travaillez en groupe ! J’ai personnellement fait mes deux années de prépa en travail solitaire, quelle erreur ! J’ai connu de véritables moments de détresse face à mon cours de mathématiques notamment. Je n’étais pas habitué à travailler en groupe avant la prépa et je ne l’ai pas fait durant, je me suis rendu compte après coup avec la Fac à quel point cela changeait tout.

Et pour finir : soyez à l’écoute et renseignez-vous sur des filières/métiers, j’ai pu suivre mon parcours uniquement parce que j’étais curieux et attentif à ce qu’on pouvait me présenter comme possibilités de parcours, et écoutez vos profs, ils sont de bons conseils, notamment pour votre orientation.

LE MOT DE LA FIN

Une anecdote sur la prépa, tes stages, tes jobs ?

Alors j’ai deux anecdotes sur la prépa et une troisième liée à la Fac :

La première concerne M. Mayeur : je trouvais qu’en cours d’économie, M. Mayeur faisait trop souvent le raccourci de « le prix est un indicateur fidèle de la qualité d’un bien : un produit cher est de bonne qualité et un produit pas cher est de mauvaise qualité » s’ensuit généralement une comparaison entre les pâtes fraîches italiennes vs les pâtes « leader price » ou alors la « pâte à tartiner lambda » vs « el famoso nutella ». Bien qu’en partie vraie la relation prix/qualité ne m’a jamais paru aussi simple et directe. Par conséquent, le dernier jour des cours avant les vacances de Noël, je lui avais acheté un paquet de pâtes « Leader price » un peu premium (ça existe) afin de lui montrer que ce n’était pas aussi simple. Et bien figurez-vous qu’à notre retour des vacances de Noël, on n’entendit plus jamais l’exemple des pâtes « Leader price ».

La deuxième anecdote prend place à la fin d’un cours de mathématiques. Alors que j’étais totalement largué, et cela devait se voir malgré toute la bonne volonté que je déployais pour essayer de comprendre quelque chose, Mme Sabban avait pris la peine de venir me parler personnellement à la fin du cours afin de me rassurer. Elle m’avait notamment dit que même dans le pire des cas, si vraiment je n’arrivais à avoir aucun concours, je pourrai toujours poursuivre dans un très bon master à la Fac, qu’il y avait toujours une solution. Elle avait totalement raison et je l’en remercie.

Enfin, la dernière anecdote concerne ma poursuite d’études à la Fac : j’ai souvent recroisé des étudiants de Turgot, et ce tout au long de mon parcours universitaire. C’était des étudiants de ma promo ou de celle d’en-dessous. Et bien, à la fin de mon année de M2, notre professeure principale nous a présenté la promo à venir pour cette formation. Figurez-vous qu’elle contenait Pierre Barnouin, mon filleul turgotin. Comme quoi le monde est petit et les liens parrains/filleuls de prépa sont plus forts que ce que l’on pense !

Vous souhaitez prendre contact avec Donatien Censier-Marty ? Rendez-vous sur l’annuaire Turgot Alumni 2019-2020 !

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