Alumni D2 2013, Yannis Cabossioras a poursuivi en doctorat de finance à New York University, après avoir intégré l’ENS Paris-Saclay. Pour Turgot Alumni, il présente les moments forts de son parcours et ce que la prépa lui a apporté.

QUI ES-TU ?

Que fais-tu aujourd’hui ? 

Je suis actuellement en première année de PhD de finance à New York University. En dehors de la recherche, j’aime passer mes heures libres à cuisiner, jouer au tennis et réparer des vieux Macs.

Peux-tu nous présenter ton activité ? 

Un PhD en économie/finance aux États-Unis a dure typiquement cinq ou six ans, avec deux années de cours et le reste à faire de la recherche. Les années de cours sont similaires à un master en France ; tronc commun la première année (microéconomie, macroéconomie, économétrie et maths), et cours de spécialisation la deuxième année. Les trois/quatre années restantes sont réservées à écrire la thèse composée généralement de trois papiers de recherche, pas nécessairement sur un thème commun.

Quel a été ton parcours pour arriver jusque là ? 

  • 2010-2013: Prépa D2 Turgot, Licence d’économie à Paris 1.
  • 2013-2017 : Normalien à l’ENS Paris-Saclay (ex-ENS Cachan).
    • 2015-2016 : M2 APE à la PSE.
    • 2016-2017 : ARPE (un stage de recherche à l’étranger) à Columbia University en tant que research assistant.
  • 2017-2019 : PhD d’économie à Brown University.
  • 2019- : PhD de finance à New York University, Stern School of Business.
    (Un peu atypique, mais pour faire court j’ai réalisé que je voulais faire de la recherche en finance, un sous-domaine de l’économie. Le programme à Brown n’étant pas compatible avec la finance, j’ai donc décidé de re-candidater à des PhD en finance.)

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Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce que tu fais aujourd’hui ? 

Bonne question, ça arrive justement assez fréquemment en tant que doctorant de s’arrêter et de se demander “pourquoi je fais ça déjà ?”. Après tout on travaille des horaires bien supérieurs aux horaires de bureau, pour un niveau de stress souvent élevé (Harvard a publié une étude l’année dernière montrant que les doctorants en économie ont un niveau d’anxiété bien supérieur à la moyenne), tout ça en étant payé généralement moins que les diplômés de master allant dans le privé.

Dans mon cas, j’aime le doctorat et la recherche en général parce qu’ils offrent des avantages qu’il est difficile de retrouver ailleurs. Premièrement, les chercheurs travaillent sur les projets qu’ils veulent, sans aucune contrainte. Il n’y a pas de boss, pas d’obligations, on n’est même pas tenu de venir au bureau. Tant qu’un chercheur arrive à publier dans de bonnes revues académiques (ce qui est plus facile à dire qu’à faire), personne ne vient lui demander des comptes.

Deuxièmement, la créativité. Même si les khôlles de micro ne semblent pas créatives en tant que telles, la recherche est une activité fondamentalement créative. Le but du jeu est justement d’arriver à formuler une idée intéressante, nouvelle, et qui vient faire avancer le débat académique. Ça fait donc toujours drôle lorsqu’on travaille sur un sujet de se dire que personne n’a jamais pensé à cette idée et qu’on est le premier l’explorer. C’est un sentiment qu’on retrouve rarement dans un job en dehors de la recherche.

Enfin, j’aime le côté challenging du doctorat et de la recherche, et le fait que l’on est constamment en train d’apprendre. Ça ne doit pas beaucoup parler à ceux qui sont en plein dans la prépa et qui sont submergés de travail. Mais j’ai de plus en plus d’amis qui ont commencé à travailler et qui me disent que ça leur manque de découvrir de nouvelles techniques et de nouvelles idées. Ça n’arrive pas en recherche, on est constamment stimulés intellectuellement à travers des séminaires, des conférences ou tout simplement en parlant à des collègues.

De quoi es-tu le plus fier ? 

L’été dernier, j’ai enseigné un cours d’économie internationale à Brown pour des lycéens qui veulent se faire une idée du niveau post-bac, et avoir l’expérience d’un campus américain. C’était un vrai challenge pour moi car, pour la première fois, j’étais en charge de construire le cours, assigner des devoirs, manager des chargés de TDs, tout en enseignant trois heures par jour.

J’ai été vraiment heureux lorsque j’ai reçu le feedback positif des élèves sur le cours, et j’ai été très fier lorsqu’une élève m’a même demandé de lui écrire un lettre de recommandation pour ses candidatures post-bac dans les universités américaines. Cette expérience a bien conforté dans ma décision de poursuivre une carrière universitaire.

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LA PRÉPA ENS D2

Pourquoi avais-tu choisi la prépa ENS D2 ?

Ça remonte à presque dix ans maintenant, mais j’imagine par intérêt pour l’économie formalisée. Je voulais continuer à faire des maths, mais les sciences dures ne m’intéressaient pas. Pourquoi la D2 au lieu d’une ECS ? Je ne pourrais pas dire, j’avais mis les deux pour être honnête.

Qu’est-ce que la prépa t’a apporté pour la suite de ton parcours ?

  • L’esprit de cohorte : très important, à ne pas négliger. On s’en rend compte une fois qu’on est plongé dans un programme où c’est difficile de rencontrer des gens. En prépa la classe est relativement petite, on peut facilement arriver à se faire de bons amis.
  • J’ai aimé le fait que l’on nous donne l’opportunité d’apprendre une grosse quantité d’information sans pour autant se soucier de si ce qu’on apprend est utile ou non. Ça peut paraître paradoxal, mais quand est-ce qu’à un autre moment de ta vie tu auras l’opportunité de passer deux heures à comprendre la différence entre un espace mesurable et mesuré ? Il faut réaliser cette chance qu’on a en prépa de ne pas avoir à se dire “ok est-ce que le temps que j’alloue à ce concept est utile ou non ?”.
  • Bien que ce soit deux années stressantes et intenses, la prépa a le mérite d’avoir un objectif clairement défini : avoir tel ou tel concours. Par la suite, les choses se compliquent : quelle spécialisation je dois choisir ? Quel master est le meilleur pour moi ? Quel stage ? Quel job ? Il y a beaucoup plus de stratégie et de politique, ce qui peut être parfois stressant. En prépa, il faut juste faire de son mieux et avoir un concours, c’est très unidimensionnel.

Au delà d’une base solide en maths et une bonne culture économique, la prépa m’a surtout apporté de la rigueur et une capacité à me concentrer en profondeur sur un sujet. Je pense que la plupart des recruteurs sont conscients que la prépa développe ce genre de qualités, ce qui est un avantage pour nous.

Quel est ton conseil pour les étudiants actuels ? 

  • Mis à part si vous vous rendez compte que vous êtes finalement intéressés par quelque chose complètement différent de l’économie, tenez bon et finissez la prépa. Ça renvoie à mon commentaire précédent sur le fait que les recruteurs sont conscients que les élèves sortant de prépa sont motivés et ont une bonne capacité de travail.
  • Ne vous laissez pas submerger par la prépa. La prépa c’est pas la vie, et la vie c’est pas le travail. Si vous sentez que vous êtes déprimés ou que vous passez votre temps à travailler, prenez une soirée ou une aprèm off. Votre vie ne va pas changer parce que vous avez fait la fête ce soir-là et que vous avez travaillé quatre heures en moins que ce que vous aviez prévu de bosser.
  • Pour ceux qui sont découragés par l’économie enseignée en prépa, donnez une chance à l’économie. L’économie c’est pas que des Cobb-Douglas et le modèle de revenu permanent. En prépa on apprend principalement la micro et la macro théorique qui a été développée jusqu’aux années 80-90. Si vous trouvez que ces modèles c’est du bullshit, ne vous inquiétez pas, la plupart des économistes le pensent aussi. C’est juste une introduction à la manière de penser en économie avant d’aller vers des théories plus compliquées et réalistes.
    Aussi, l’économie c’est plus que la micro ou la macro. Des champs populaires en ce moment c’est par exemple l’économie politique, l’économie environnementale, ou l’économie du développement (cf. le dernier prix Nobel d’éco), et bon nombre de ces chercheurs s’en fichent de savoir pourquoi est-ce que les taux d’intérêt sont si bas. Ces domaines analysent des questions très concrètes et qui font avancer le débat public, comme par exemple « est-ce que la compétition entre les journaux peut contribuer à changer les orientations politique des électeurs ? », ou alors « est-ce que l’utilisation d’images satellites la nuit peut prédire l’activité économique ? ». Enfin, la vision de l’économie enseignée en prépa est d’autant plus partielle qu’elle laisse de côté plus de la moitié de ce qui se fait aujourd’hui en économie, à savoir l’économie empirique. C’est lorsque l’on utilise des données pour tester si une théorie fonctionne par exemple, ou pour voir si une politique publique a produit l’effet escompté. L’avantage de l’économie empirique est qu’elle utilise des techniques statistiques poussées similaires à ce que l’on appelle la data science ou le machine learning. Il est donc facile de se reconvertir dans ces domaines si au final on n’est pas intéressé par l’économie mais uniquement l’analyse de données.

D’ailleurs, pour ceux qui envisagent déjà de faire de la recherche, je vous encourage vivement à considérer la possibilité de partir aux États-Unis ou au Royaume-Uni pour faire votre doctorat. Les programmes sont très bons, les universités ont généralement plus de moyens qu’en France, et accessoirement les salaires sont (bien) plus élevés. Bien sûr, la France a aussi de très bons programmes doctoraux, c’est plus pour que vous soyez conscient de toutes les opportunités. Il y a de plus en plus de Turgotins qui sont parti faire des doctorats à l’étranger et que vous pouvez contacter si vous voulez plus d’infos.

Vous souhaitez prendre contact avec Yannis Cabossioras ? Rendez-vous sur l’annuaire Turgot Alumni 2019-2020 !

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