85% des emplois de 2030 n’existent pas encore1. Nous ignorons quels seront les métiers de demain, tout comme nous ignorons les formations qui nous aideront à nous y préparer. Comme le souligne Yuval Noah Harari2, les nouvelles technologies accélèrent les changements de nos sociétés. Notre environnement, tel que nous le connaissons au quotidien, évolue de plus en plus vite. Il est de moins en moins stable. Nos repères, sur lesquels nous nous appuyons, muent en quelque chose de nouveau. Désormais, l’intelligence artificielle change complètement certaines industries (comme l’automobile avec l’émergence des voitures autonomes3 ou les ressources humaines en amont des processus de recrutement), la démocratie est de plus en plus remise en question (En 2015, 19% des Américains avaient confiance en leur gouvernement pour faire le bon choix « toujours ou la plupart du temps ». Ils étaient 73% en 1958.)4, notre civilisation aura disparu dans 50 ans5 et de plus en plus d’États reconnaissent l’existence d’un troisième genre (ni masculin, ni féminin)6. La nouveauté ne réside pas dans la vitesse du changement -qui est quelque chose ressassé encore et encore- mais dans la portée de ce changement, qui va jusqu’à atteindre des convictions jusque-là inébranlables. Face à ces évolutions, Yubal Noah Harari explique que l’individu doit apprendre à se réinventer. Sa meilleure compétence, pour faire face aux défis des décennies à venir, sera de savoir s’adapter. Selon l’historien, c’est le meilleur moyen de vivre avec son temps et de suivre les évolutions que l’avenir nous réserve.
Or, pour se réinventer, il faut d’abord se connaître.
Car le changement, s’il ne suit pas un fil conducteur, peut être périlleux. Même s’ils sont en train de se transformer, il est essentiel de s’appuyer sur certains repères : que ce soit l’objectif que vous vous êtes fixé, l’endroit d’où vous venez, celui où vous voulez aller, … Ce sont ces repères qui vous permettront de savoir comment vous adapter et faire face aux évolutions à venir. Et pour les identifier, vous devez vous connaître, c’est-à-dire savoir qui vous êtes et où vous vous situez.
L’Ikigai : apprendre à se connaître
Il existe une méthode schématique qui aide à se connaître. L’Ikigai est une philosophie développée au Japon7 et qui fournit une efficace grille de lecture pour y parvenir. L’Ikigai est défini comme la raison qui vous pousse à vous lever le matin, il s’agit d’un équilibre qui assure satisfaction et bonheur. Pour déterminer votre Ikigai, vous devez répondre à ces quatre questions. Le schéma est simple. Mais les réponses à y apporter peuvent nécessiter un certain temps pour les trouver.
Qu’-est-ce que j’aime faire ? L’Ikigai n’a pas de sens de lecture, mais il s’agit-là de la question la plus intuitive, car elle est au fondement de vos activités. Si vous avez choisi ce métier ou ces études, c’est qu’il y a quelque chose qui vous plaît. Reste à savoir quoi exactement. Qu’est-ce qui vous procure du bonheur ? De la satisfaction ?
Pensez d’abord à un sujet large : aimez-vous le droit, l’économie, les mathématiques, l’art, la cuisine, … ? Ensuite, interrogez-vous sur ce qui vous fait apprécier l’un de ces sujets. L’impact sur la société ? La complexité qui s’y cache ? Les personnes qui évoluent dans ces univers-là ?
Au sujet de votre activité professionnelle ou étudiante, qu’est-ce qui vous satisfait ? Est-ce l’étendue des domaines abordés ? Les défis à résoudre ? L’impression d’apprendre de nouvelles choses ? Le fait d’avancer en équipe ?
Pour savoir ce que vous aimez faire, pensez également à regarder vos loisirs et vos activités associatives. Vous pouvez adorer faire du ski nautique, organiser vos vacances, lire la presse, passer vos journées à l’extérieur, avec vos amis… Cela en dit long également sur vos centres d’intérêts, sur les choses précises qui vous attirent. Ce n’est pas parce qu’il s’agit de loisirs que vous devez les exclure de votre réflexion, bien au contraire !
Certaines des réponses que vous allez apporter vous fourniront déjà quelques éléments sur votre environnement professionnel idéal.
Dans quoi suis-je compétent(e) ? Les compétences sont l’un des autres versants à avoir en tête lorsqu’il s’agit de se définir. Vous pouvez adorer le dessin et être très mauvais avec un crayon entre les doigts. Si, malgré tout, vous décidez d’embrasser une carrière de dessinateur, vous vous sentirez dans un environnement instable, car susceptible d’être rejeté du fait de vos piètres compétences dans le domaine que vous avez choisi. Dans l’Antiquité Grecque, l’ostracisme frappait les personnes rejetées : il s’agissait d’exiler les personnes qui n’étaient plus dignes de vivre dans la cité.
Là encore, vous pouvez regarder dans vos sphères professionnelles et personnelles. Êtes-vous doués pour organiser les choses, assigner des tâches, retenir les informations, cuisiner un cordon bleu, nager la brasse coulée ou escalader une montagne ?
Déjà, en répondant à ces deux premières questions, certaines choses vont paraître plus claires. Il existe aussi des tests de personnalité, comme le test MBTI (du nom de l’indicateur psychologique créé par Myers et Briggs)8 qui vous aide à mieux définir vos vos goûts et aptitudes, qui sont les deux premiers cercles évoqués. Le test MBTI a qui plus est la particularité de définir votre personnalité avec parfois une précision déconcertante. Des outils, comme LinkedIn, peuvent également vous aider à identifier des personnes et métiers susceptibles de vous intéresser, car situés dans les mêmes domaines que ceux qui vous intéressent, ou parce qu’ils disposent de compétences et centres d’intérêts semblables aux vôtres.
Les deux derniers cercles sont moins centrés sur vous, mais plus sur la société. Il ne s’agit plus de chercher à savoir qui vous êtes, mais où est-ce que vous vous situez.
De quoi la société a-t-elle besoin ? En 2013, l’anthropologue David Graeber expliquait qu’une grande partie de professionnels ne trouvaient pas de sens à leur métier9. Selon lui, ces personnes travaillent dans des « Bullshit jobs », ces emplois vide de sens et qui n’apportent rien à la société. Évitez les bullshit jobs. En 2017, 44% des Français ne trouvent pas de sens à leur métier10. C’est ce que Graeber appelle le « brown-out ». Trouver l’emploi qui vous correspond, c’est également entrer en adéquation avec vos valeurs. Ainsi, vous aurez un sentiment d’accomplissement, de plénitude. C’est aussi trouver votre place dans la société, répondre à un besoin qui justifiera votre activité.
C’est pourquoi vous devez également être conscient de ce qui se passe autour de vous. Si votre activité ne répond pas à un besoin, vous aurez l’impression d’être inutile.
Comment savoir ce dont la société a besoin ? Suivez l’actualité. Celle des secteurs qui vous intéressent, mais également l’actualité plus générale (politique, société, etc.). Discutez. Allez rencontrer d’autres personnes : vos proches, des personnes des secteurs qui vous intéressent. Lisez, allez au cinéma : regardez les oeuvres culturelles qui sont réalisées chaque année. Souvent, les artistes traduisent leur perception de l’époque contemporaine. Et la réception du public en dit long, également, sur les problématiques qui parlent ou non à la société.
Pour quoi suis-je rémunéré(e) ? Et oui, on en revient finalement à ça. Une fois que vous savez qui vous êtes (ce que vous aimez faire et ce que vous savez faire) ainsi que les besoins de la société, la dernière question traite de votre rémunération. Car il vous faut bien vivre de votre activité. Si vous devenez artisan dans la conception de flèches, vous répondez peut-être aux trois autres cercles (le besoin de la société étant la capacité à se défendre), mais l’obsolescence de la technologie proposée risque de limiter le nombre de personnes prêtes à acheter vos produits. Inversement, il convient de vous demander si l’activité pour laquelle vous êtes rémunéré(e) s’inscrit dans les trois autres cercles, c’est-à-dire de savoir si elle vous plaît, si vous êtes compétent(e) et si elle répond bien à un besoin.
Pour savoir quelle rémunération vous correspond, de plus en plus d’études sont faites sur les rémunérations de certains métiers, par secteurs et en fonction des années d’expérience. Des sites comme Glassdoor permettent également se situer son niveau de rémunération par rapport à celui des autres professionnels.
Votre réseau : le coup de pouce pour y parvenir
Se connaître demande beaucoup de patience. Une dose de réflexion (se poser les bonnes questions, comme avec l’Ikigai) et d’action (apporter des éléments de réponses en multipliant les expériences pour se rendre compte, de manière empirique, de ce que vous aimez faire et de ce dans quoi vous êtes compétents). Ces expériences sont également l’occasion de rencontrer des personnes qui travaillent dans un secteur particulier, ou qui partagent la même passion que vous.
Ces personnes, qui constituent votre réseau, peuvent justement vous venir en aide dans votre réflexion. N’hésitez pas à les solliciter, pour en savoir davantage sur leurs activités, sur ce qui leur plaît, sur leur parcours. Certaines de ces personnes bénéficient de plus d’expérience que vous (dans un secteur qui vous attire, par exemple) et peuvent vous conseiller sur divers aspects. Leur témoignage vous permet d’en savoir plus sur leurs activités, ce qui les a motivés à faire leurs choix, sur leur parcours et sur ce qui leur plaît. Tous ces éléments vous permettent de mettre en perspective votre propre parcours et, par la même occasion, d’y poser un autre regard. Étudier un problème sous un autre angle est souvent le premier pas pour le résoudre.
Bénéficier des conseil de votre réseau, c’est capitaliser sur les expériences d’autrui, bénéficier d’un recul dont vous ne disposez pas encore. Ce peut être un véritable gain de temps, en vous confrontant à des réflexions similaires aux vôtres qui ont déjà été menées par d’autres personnes. Bien sûr, la plupart des réponses se trouvent en vous. Et c’est justement là où votre réseau est efficace : il vous aide à vous poser les bonnes questions et vous apporte des retours d’expérience concrets.
Alors n’hésitez plus ! Contactez dès maintenant quelqu’un de votre entourage, vous en sortirez grandi ! Surtout lorsqu’on sait que 41% des employés ont trouvé leur emploi grâce à leur réseau11.
Pour aller plus loin :
1. Emerging technologies’ impact on society & work in 2030, Dell et l’Institut pour le futur (2017), http://www.iftf.org
2. Yuval Noah Harari, « What Kids Need to Learn to Succeed in 2050 » in Medium (14/09/2018), https://medium.com
3. « Ce que l’IA change dans l’auto, l’ère de la voiture autonome », La Tribune (02/05/2018), https://www.latribune.fr
4. « The uncertain future of democracy », BBC (30/03/2017), http://www.bbc.com
5. « Nasa-funded study: industrial civilisation headed for ‘irreversible collapse’? », The Guardian (14/03/2014), https://www.theguardian.com
6. « When asked their sex, some are going with option ‘X’ », USA Today (27/06/2017), https://eu.usatoday.com
7. Thomas Oppong, « Ikigai: The Japanese Secret to a Long and Happy Life Might Just Help You Live a More Fulfilling Life » in Medium, https://medium.com
8. L’entreprise Neris Analytics Limited a mis en place une version gratuite en ligne : https://www.16personalities.com
9. « On the Phenomenon of Bullshit Jobs: A Work Rant », Strike (Août 2013), https://strikemag.org
10. Baromètre du bonheur au travail, La Fabrique Spinoza, 2017 : http://fabriquespinoza.fr
11. Baromètre de l’humeur des jeunes diplômés, Deloitte, 2017 : https://www2.deloitte.com
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Crédits photos :
– Pixabay
– Schéma Ikigai : Turgot Alumni